Photo d'Anna Grouillet - Groupe 2
Texte et photos de Gisèle Rigal - Groupe 4
Valgaudemar
Ce sont les bouchons qui empêchent Robert d'arriver à l'heure, mais ils ne nous privent pas de partir. Ensuite les mêmes bouchons se forment, se déforment, nous accompagnent, s'éloignent cependant que le car avance sans débâcle ou débandade ni klaxon en pagaille sur les petites routes pour aller à la Chapelle en Valgaudemar, dans le parc des Écrins, dans les Hautes Alpes. Arrivée en fanfare, même les nuages du matin ne savent pas inventer de telles figures. Sacs, chapeaux, toutes les couleurs volent au vent. Le soleil frappe déjà. On part, les uns avec Robert, les autres avec Ange ou Jean Claude et les plus nombreux avec Georges. Le ton est donné, on montera d'un pas tranquille, régulier derrière lui une bonne partie de la matinée, à l'ombre d'une forêt de chênes, frênes, sapins. Enfin au sommet, soudain, de l'ombre on passe à la lumière. De hautes montagnes se détachent du ciel. De leur sommet s'étale encore la neige, contour léger, ombre blanche, écharpe épaisse, voile de brume. Marie Thérèse, Antoine nomment : les Bancs, impressionnants. L'Olan, les Rouies, le Sirac, le Vieux Chaillol. La vue imprenable sur les glaciers... de l'Aup ? Est-ce le torrent de la Buffe qui le dévale en cascade ? Plus bas, du côté adret, aride, les falaises aux versants abrupts ont une jupe toute plissée. De notre côté, côté ubac, après la forêt, des morceaux du sentier ont été emportés par l'érosion. Nous devons faire attention. Pourtant les fleurs ne sont pas en reste. Quelques lys Martagon, œillets des Alpes, digitales, joubarbes...nous émeuvent comme à chaque fois.Toute la beauté est ici à nos pieds. Aujourd'hui que le climat change, que chaque été est un peu plus chaud, on se dit que toute cette beauté est en danger. Comment faire pour ne pas voir les glaciers disparaître, le gargarisme des oiseaux s'étrangler, la chaleur étouffer la fraîcheur du vent, s'éteindre le bruissement des feuilles. Le ciel ? Le ciel serait moins bleu, les feuilles se dessècheraient, l'eau empoisonnée se tarirait, les sols se désagrégeraient. Poussière, on retournerait poussière ? Oui, mais là sous nos yeux, le monde est encore vert et bleu, les odeurs exquises balancent sous la brise, les rayons du soleil sont un peu brûlants mais on s'en défend, l'air est pur on en est sûr et on est joyeux et même un peu heureux. C’est à l'ombre des arbres dans un vaste pâturage que l'on pique-nique, vite fait, avec pour dessert les fraises des bois. On redescend dans la vallée en traversant des petits villages pittoresques, jusqu'à un pont prétendument romain qui enjambe le torrent, la Navette. Il descend du pic du Mal Cros. On longe le vacarme intense un bon moment, au fil du temps le bouillonnement a creusé la roche en une série de grosses "marmites", les Oules du diable. Un pas après l'autre on rejoint Valgaudemar au fond de la vallée en suivant la rivière la Siveraise.
Ce matin on voulait effleurer le soleil, laisser vivre les abeilles, chercher les fleurs, nager dans les herbes...tendre l'oreille, s'absorber dans le vent chlorophylle, l'immensité cristalline des lacs, se laisser toucher par chaque grain de vent sur notre peau, car c'est en cela que l'on vit.
Rien ne dure, dis-tu ?
Tout va ?
En attendant, on est là.
Seriez-vous vexé si je vous disais que nos yeux ne sont plus assez perçants pour lire toute la suite des choses de notre si bel univers et que parfois si on n'y prend pas garde la presbytie nous empêcherait de voir de près, les détails, les subtilités, les nuances où sans eux plus rien ne s'articule, se rencontre, se parle. Merci Georges de nous avoir offert cette si belle journée, et Robert, et Jean Claude, et Ange et tous les copains filles et garçons.
Photos de Patrice Amiel – Groupe 2
Photos de Robert Selbmann - Groupe 1